A la croisée des méandres du labyrinthe
Dimanche soir, nous avons regardé chez moi le DVD que j'ai offert à mon père cette année pour sa fête : "Le Labyrinthe de Pan" ("El Laberinto del fauno" en espagnol, je me demande encore pourquoi on a mit "Pan" en anglais et français, ce nom n'est pas prononcé une seule fois dans le film... Pourquoi absolument coller un nom au faune qui dit bien qu'il n'en a pas de précis ?...) de Guillermo del Toro. Rikku m'en avait parlé comme d'un très beau récit, mais très dur sur le fond. Il se trouve que je pense en avoir une impression semblable.
C'est un film superbe, sombre, poétique mais aussi cruellement réaliste, se déroulant dans l'Espagne de 1944.
Une petite fille d'une dizaine d'année, Ofelia (la charmante et remarquable Ivana Baquero), vient s'installer avec sa mère enceinte dans la garnison de son beau-père, qui en est le chef. La guerre civile se termine, et des rebelles, opposés au nouvel ordre en place, rôdent dans les montagnes. Ofelia lit beaucoup, mais surtout des contes de fées, au grand dam de sa mère qui aimerait qu'elle grandisse un peu. Les rapports avec son beau-père sont définis par les premières images où on les voit ensemble à l'écran : Ofelia tient ses livres dans sa main droite, et tend la gauche à cet homme pour le saluer. Ce dernier attrape violemment le petit membre et le tord, en susurrant "On donne l'autre main". Cette scène marque tout de suite l'opposition entre les deux personnages, mais aussi entre le personnage masculin et le monde imaginaire des contes.
La nuit, Ofelia, guidée par un insecte qui prend sous ses yeux la forme d'une fée, sort de sa chambre, fuyant, consciemment ou inconsciemment, un univers qui l'oppresse, pour découvrir un labyrinthe et l'entrée d'un monde dont elle serait la princesse héritière. Pour accéder à son royaume, la jeune fille doit remporter trois épreuves, qui détermineront si son cœur est toujours pur et si le mal des Hommes ne l'a pas perverti...
Ce film est bouleversant. On oscille sans cesse entre la douceur autour d'Ofelia, et la violence crue de son beau-père envers tout le monde. Si bien qu'on ne peut s'empêcher de penser que même si les épreuves imposées par le gardien du labyrinthe sont cruelles et rudes à surmonter, elles ne sont qu'un pâle reflet de la réalité que doivent affronter la plupart des personnages du film.
Réalité qui a la part belle du film, trop présente et creusée pour n'être qu'un simple contexte amenant le fantastique, et qui définirait le scénario en tant que tel.
C'est là que j'en viens à faire la distinction entre deux niveaux de visions pour ce film, constatation et impression que je pense partager avec Rikku, vu ce qu'elle m'avait dit.
Au premier plan, nous avons donc un film fantastique, avec une petite fille qui échappe véritablement à la réalité, et qui est sauvée par le monde féerique qu'elle côtoie, après une quête qui l'a fait grandir.
Derrière, se trouve le sens que j'ai trouvé à ce film, et qui m'a valu à la fin un torrent de larmes.
Ma mère a réagit en riant : "Pleure pas, c'est une belle histoire !" ; réflexion qui me fait me demander si elle a saisit ce dont je vais parler. De mon point de vue... Un beau film, oui, même un très beau... Mais une histoire tellement cruelle que le mot "belle", au sens où ma mère l'emploie, n'est vraiment pas adapté.
Pour moi, Ofelia s'est créé un monde imaginaire de toute pièce, alimenté par ses lectures et son imagination d'enfant, et c'est par ses yeux que nous y plongeons. Le conte dans lequel elle est entraînée est sombre, et c'est la teinte qui lui est donnée par la réalité dans laquelle vit la petite fille. c'est une belle fuite, mais elle n'est qu'illusoire. L'issue du film (qui fait suite à l'introduction en flash forward de celui-ci) le prouve. (-> suite à ne surligner que si vous avez déjà vu le film) Ofelia est cruellement ramenée à la réalité : elle n'a pas pu échapper à la haine et la violence de son beau-père et meurt. Sa fuite se solde par la destruction. Ce film n'est donc pas un film fantastique pour moi, mais plutôt un témoignage cruel de la violence brisant l'innocence de l'enfance... Et donc un film dénonçant la guerre, ou tout conflit armé.
J'ai l'impression qu'autour de moi on a pas pensé au revers du film, mais je trouve aussi que cette double-lecture est intéressante tout de même, et permet d'ailleurs une post-réflexion plus approfondie que si mon seul raisonnement était servi directement par le réalisateur.
D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de trouver mystérieuse et jolis les derniers mots du film sur un monde merveilleux qui laissent des traces dans notre réalité à qui sait les voir...
Une ouverture aux rêveurs ?
Mine de rien, ce film, avec Ivana Baquero qui n'a que 12 ans, a relancé ma "fascination" pour les "enfants-stars" (je désigne sous ce terme les enfants artistes (acteurs, musiciens, ou autres...) propulsés au devant des projecteurs, entre les âges du bébé jusqu'à 20 ans) et ma réflexion sur le prix et l'importance de l'innocence.
Jaaku pourra témoigner, nous en avons longuement parlé l'autre jour. Je développerai sûrement davantage cette question dans une note future, mais je peux vous dire que j'ai l'intention de traiter le sujet sous forme romancée et d'aussi donner corps à certains personnages en rapport avec ceci sous forme de poupées.
Au plaisir de vous écrire de nouveau bientôt...
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~Image : Une capture du film "El Laberinto del fauno"
*Jukebox* : B'z - Samayoeru Aoi Dangan